
L’empaillage d’animaux : un savoir-faire artisanal en voie de disparition
Un art entre nature et précision
L’empaillage consiste à préserver et reconstituer l’apparence d’un animal mort, dans le but de le conserver de manière réaliste et durable. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas simplement de « bourrer » un animal, mais bien de redonner vie à son apparence grâce à des techniques complexes. Peaux tannées, sculptures en résine ou en mousse, armatures métalliques, yeux en verre : chaque étape demande précision, observation, et une grande sensibilité à la morphologie et au comportement animal.
Le taxidermiste est à la fois sculpteur, couturier, peintre et anatomiste. Il doit reproduire la posture, l’expression et les moindres détails de l’animal, dans une démarche proche du réalisme scientifique. Il n’est pas rare que certains artisans collaborent avec des biologistes ou des conservateurs de musée pour assurer une restitution fidèle.
Un métier autrefois très répandu
Il fut un temps où l’empaillage était un métier respecté, essentiel pour les cabinets de curiosités, les collections naturalistes et les muséums d’histoire naturelle. Aux XIXe et XXe siècles, de nombreux taxidermistes officiaient pour des institutions publiques ou des collectionneurs privés. La bourgeoisie appréciait les trophées de chasse et les scènes animalières comme éléments de prestige ou de décoration.
Dans les musées, la taxidermie avait une visée éducative, permettant au grand public d’observer de près des espèces parfois inaccessibles. Encore aujourd’hui, les dioramas de mammifères ou d’oiseaux sont prisés des visiteurs, notamment des enfants, fascinés par ces animaux figés dans l’action.
Des mentalités qui évoluent
Cependant, le regard porté sur la taxidermie a profondément changé. L’image du chasseur posant fièrement devant un trophée naturalisé est aujourd’hui mal perçue par une large partie de la société. Les préoccupations écologiques, la protection animale et les avancées technologiques (photos, vidéos, reconstitutions 3D) ont réduit la demande.
De plus, la taxidermie souffre parfois d’une mauvaise réputation, alimentée par des clichés ou des pratiques jugées douteuses. Pourtant, la majorité des artisans travaillent à partir d’animaux morts naturellement ou issus d’accidents (collisions, mortalité en captivité), en conformité avec la législation.
Une transmission fragile
Autre facteur de disparition : le manque de relève. Les formations en taxidermie sont rares et souvent très artisanales, reposant sur l’apprentissage auprès d’un maître. En France, par exemple, il n’existe pas de diplôme officiel reconnu par l’Éducation nationale pour devenir taxidermiste. Le métier attire peu, et beaucoup d’ateliers ferment faute de successeurs.
Ce savoir-faire, pourtant unique, risque donc de s’éteindre doucement, emportant avec lui des techniques précieuses et un pan entier de notre patrimoine culturel et scientifique.
Un regain d’intérêt… artistique
Malgré ce déclin, certains taxidermistes contemporains renouent avec l’art et la poésie. Des artistes plasticiens réinventent la discipline, en détournant les codes de la taxidermie traditionnelle. D’autres l’utilisent comme un moyen de sensibilisation à la biodiversité et à la fragilité du vivant. Ces approches permettent d’attirer un nouveau public, généralement urbain, curieux ou engagé.
Par ailleurs, l’univers de la décoration voit émerger une forme de « néo-taxidermie », plus éthique et décorative, parfois mêlée à d’autres matériaux (plâtres, tissus, végétaux). Loin des trophées de chasse d’antan, cette taxidermie revisitée séduit les amateurs de curiosités et d’esthétique singulière.
Préserver la mémoire d’un métier
L’empaillage reste un art du temps long, de la patience et de la contemplation. Il rappelle notre lien avec la nature, mais aussi la nécessité de la préserver et de la comprendre. En cela, les taxidermistes sont les gardiens d’une mémoire collective, d’un regard respectueux porté sur l’animal.
Soutenir ce métier, c’est donc aussi faire le choix de la diversité des savoirs, du respect du vivant et de l’émotion esthétique. Il ne tient qu’à nous de redonner à la taxidermie sa juste place, entre art, science et patrimoine.